Recevoir les raisons de croire
< Toutes les raisons sont ici !
TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Les moines
n°137

Cologne (Allemagne), Reims et massif de la Chartreuse (France), Calabre (Italie)

vers 1030-1101

Saint Bruno le Chartreux, miracle de la vie cachée

Bruno, venant de Cologne en Allemagne, s’est formé à la philosophie et la théologie à Reims. Ses dons intellectuels et ses qualités spirituelles font grandir rapidement sa renommée, mais une carrière brillante ne le comblerait pas : il veut être à Dieu seul. C’est pourquoi, avec quelques amis qui partagent ses aspiration, Bruno s’isole du reste du monde pour imiter Jésus dans sa vie cachée de Nazareth, dans son jeûne au désert, dans sa prière au Père seul dans la montagne, et dans le don total de soi. C’est la naissance de l’ordre des Chartreux. Le pape Pie XI dira que Dieu a choisi Bruno, « homme d’une éminente sainteté, pour rendre à la vie contemplative l’éclat de sa pureté originelle ». Dieu rappelle saint Bruno à lui le 6 octobre 1101.

Saint Bruno tenant un crucifix, église Saint-Bruno-les-Chartreux, Lyon. / © iStock/Getty Images Plus/Catherine Leblanc
Saint Bruno tenant un crucifix, église Saint-Bruno-les-Chartreux, Lyon. / © iStock/Getty Images Plus/Catherine Leblanc

Les raisons d'y croire :

  • Bruno refuse de devenir archevêque de Reims (1067) car cela ne répondrait pas à sa soif d’absolu. Il désire, avant tout autre chose, se donner radicalement et exclusivement à Dieu lui-même. C’est la raison pour laquelle, Bruno donne tous ses biens en 1083 et part fonder son premier ermitage.
  • Saint Hugues, évêque de Grenoble, est prévenu en songe de l’arrivée de saint Bruno et de ses six premiers compagnons, juste avant la fondation de la première communauté dans le massif de la Chartreuse. La rencontre entre les deux saints est providentielle, Hugues indiquera à Bruno l’endroit où implanter la première chartreuse.
  • La sainteté de Bruno a été reconnue par l’Église. La canonisation équipollente dont il a bénéficié certifie l’existence d’un culte ancien à saint Bruno, l’attestation constante et répandue de ses vertus par des historiens dignes de foi et la réputation ininterrompue d’accomplissement de prodiges de sa part (cf. De servorum Dei beatificatione et beatorum canonizatione, Benoît XIV).
  • Le choix d’une vie isolée et silencieuse, dédiée exclusivement à la vie contemplative, dans la pauvreté et l’austérité, est incompréhensible sans la grâce divine. C’est pourtant le choix qui est posé par tous les moines chartreux.
  • Malgré l’austérité du mode de vie cartusien, l’expansion de l’ordre a été constant à travers les époques : cela atteste indéniablement de la profondeur spirituelle de l’appel auquel les chartreux répondent. On compte 46 communautés vers 1200, une centaine cent ans plus tard, 150 maisons en 1371 ; vers 1517, 2300 pères chartreux et 1500 frères vivent aux quatre coins de l’Europe, chiffres qui restent ensuite stables jusqu’à la Révolution française.
  • Aujourd’hui, l’ordre des Chartreux demeure l’unique famille monastique du monde catholique à ne jamais avoir été réformée et ce, depuis sa fondation, voici 850 ans. La devise des Chartreux est « La croix demeure tandis que le monde tourne ».

Synthèse :

Saint Bruno n’est pas français d’origine car il vient au monde à Cologne (Allemagne), un peu avant 1030. Ses parents sont aisés et rien ne manque au petit, matériellement et spirituellement. Ses premiers maîtres repèrent rapidement ses dispositions intellectuelles. Il est à peine entré dans l’âge adulte que le voici devenu clerc, parfaitement à l’aise dans les affaires humaines et politiques et un priant exemplaire. Il n’a pas trente ans lorsqu’il devient chanoine de la collégiale Saint-Cunibert de Cologne (aujourd’hui élevée au rang de basilique).

Mais il décide, avec l’autorisation de ses supérieurs, de quitter Cologne pour rejoindre Reims, où l’école cathédrale est l’un des grands centres intellectuels de l’époque. Après de solides études de philosophie puis de théologie, Gervais de Belleme, archevêque de Reims, le nomme écolâtre en 1057, l’équivalent du directeur des études. Là, face à des étudiants conquis par son savoir et sa piété, il va enseigner la théologie et les arts libéraux pendant une vingtaine d’années.

Ces années sont pour Bruno une période d’activité intense mais aussi de méditation et d’approfondissement de sa foi. Il sent que Jésus l’appelle à « quelque chose » de différent mais il ignore encore les modalités concrètes de cet appel. Il sait que le ciel va lui venir en aide En attendant, il s’occupe de ses étudiants comme d’un père, en leur parlant du Seigneur et en témoignant de sa présence par sa charité pour tous.

En 1067, un événement providentiel va accélérer l’histoire de sa vocation. L’évêque de Reims, Gervais, meurt. On sollicite alors Bruno pour lui succéder mais celui-ci décline l’offre, expliquant qu’il en est indigne et que son seul objectif est de se retirer dans la solitude jusqu’à sa mort. C’est en définitive Manassès de Gournay, homme peu scrupuleux et vénal, qui devient le nouvel archevêque de Reims. La tension entre Bruno et le nouveau prélat est palpable. Ce dernier a soudoyé quelques-uns de ses électeurs et Bruno, informé du fait, le dénonce. Pendant plusieurs années, le saint va tout faire pour obtenir la conversion de Manassès, en vain : celui-ci finira destitué. Bruno, lui, au milieu d’une vie diocésaine très perturbée, assure la charge de chancelier de l’archevêché pendant une année. Mais comment servir Dieu dans une telle situation ? Il est contraint de s’exiler de 1077 à 1080 chez un aristocrate de la région rémoise qui l’accueille avec délicatesse.

Le temps passe. Il vient d’avoir 51 ans. Sa foi est à présent celle qui fait déplacer des montagnes. Il décide de tout quitter pour suivre Jésus. Il distribue tout ce qu’il possède aux pauvres de la cité et prend la route avec deux amis, Pierre et Lambert, vers le prieuré cistercien de Sèche-Fontaine, une dépendance de l’abbaye de Molesme. Là, il fait la rencontre de saint Robert, cofondateur des Cisterciens, promis à un avenir exceptionnel à travers l’histoire.

Mais au fond de lui, Bruno se sent appelé à une vie encore plus radicale : suivre le Christ dans la solitude et dans le silence de la langue et du cœur. Il sait à présent que Dieu attend de lui qu’il fonde une famille religieuse composée d’ermites. En cette fin de XIe siècle, ce n’est pas une invention (l’érémitisme existe depuis le début du christianisme) mais une actualisation d’un mode de vie basé sur l’expérience de Jésus au désert. Cette modalité religieuse ne ressemble alors aucunement à celles partagées par les autres ordres monastiques, qui mettent l’accent sur la dimension communautaire. Malgré une telle originalité, Bruno n’a jamais rencontré la moindre résistance ou interrogation parmi les responsables ecclésiastiques.

Sur conseil de saint Robert de Molesme, il se rend ensuite à Grenoble en compagnie de six compagnons (quatre clercs et deux laïcs). Quelques nuits au paravent, le jeune évêque de la ville, saint Hugues, avait fait un rêve au cours duquel il avait clairement vu le petit groupe de religieux entrer dans sa cité. L’entente entre les deux saints est immédiate. Quelques jours passent et Hugues propose à Bruno de le conduire dans un endroit isolé au-dessus de Grenoble, dans le massif de la Chartreuse. Les sept hommes vont y rester six ans dans cette solitude, à 1190 mètres d’altitude. Bruno y rédige les principaux traits de sa future Règle des chartreux exigeant une vie solitaire, en cellule, avec des cérémonies liturgiques communes, et un travail manuel constant. La spiritualité cartusienne est née. En 1085, la première chartreuse, avec son église, ses cellules et son cloître, est achevée.

En 1090, le pape Urbain II demande à Bruno de le rejoindre à Rome. C’est un coup dur pour le fondateur car ce voyage est un arrachement à sa condition de contemplatif et une séparation d’avec ses frères. Le pape, sachant ses qualités, lui propose de devenir son conseiller puis, dans la foulée, évêque de Reggio de Calabre. Bruno refuse, expliquant que la vie urbaine ne lui vaut rien et qu’il entend servir le Seigneur dans un parfait enfouissement, sans se mêler des affaires temporelles. Urbain II est impressionné par tant de foi et d’humilité chez cet homme, ami de Dieu, qu’il admire et vénère, et qui fut jadis son maître dans l’école cathédrale de Reims.

L’année suivante, il obtient permission de se retirer dans un lieu isolé de Calabre, au diocèse de Squillace, où il vit une « fête perpétuelle où déjà l’on savoure les fruits du ciel » et oùil fonde deux nouveaux ermitages. C’est là que Dieu le rappelle à lui, le 6 octobre 1101.

Patrick Sbalchiero


Au-delà des raisons d'y croire :

Radical, exigeant et éloigné des normes occidentales actuelles, le genre de vie inspiré par saint Bruno continue cependant d’attirer et de susciter des vocations merveilleuses à travers le monde.


Aller plus loin :

Dom Augustin Devaux, « Bruno (saint), vers 1035-1101 », dans Patrick Sbalchiero (dir.), Dictionnaire des miracles et de l’extraordinaire chrétiens, Paris, Fayard, 2002, p. 123-125.


En savoir plus :

  • André Ravier, Saint Bruno, le Chartreux, Paris, Lethielleux, 1981.
  • Guillaume d’Alançon, Saint Bruno, la solitude transfigurée, Paris, L’Oeuvre, 2011.
  • Nathalie Nabert, Les Larmes, la nourriture, le silence. Essai de spiritualité cartusienne, sources et continuité, Paris, Beauchesne, 2001.
  • Id., La Figure du Christ en chartreuse, Paris, Beauchesne, 2016.
  • Site internet officiel de l’ordre des Chartreux.
  • Par un chartreux, Amour et silence, Seuil, 1995.
Partager cette raison

LES RAISONS DE LA SEMAINE