Alençon et Lisieux (France)
12 juillet 1858
Les saints époux Louis et Zélie Martin
Louis Martin, horloger-bijoutier, et son épouse Zélie Guérin, dentellière, se marient à Alençon le 12 juillet 1858. Ils ont neuf enfants, mais quatre meurent en bas âge. Leurs cinq filles, Pauline, Marie, Léonie, Céline et Thérèse, deviennent toutes religieuses. Quatre entrent au carmel de Lisieux. Seule Léonie suit le Christ au monastère de la Visitation de Caen, sous le nom de sœur Françoise-Thérèse. Sa cause de canonisation a été officiellement acceptée à Rome le 3 février 2021. On connaît surtout la benjamine, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus (1873-1897), docteur de l’Église. Si Louis et Zélie Martin ont été canonisés par le pape François à Rome le 18 mars 2015, ce n’est pas parce qu’ils sont les parents de la petite Thérèse, mais bien par l’exemple de leurs vies données.
Les raisons d'y croire :
- Louis et Zélie Martin sont le premier couple canonisé ensemble, une première dans l’histoire de l’Église, après une recherche historique sérieuse de la pratique des vertus chrétiennes dans leur vie.
- Deux miracles obtenus par leur intercession, que la science ne peut pas expliquer, ont été authentifiés, ce qui leur ont permis d’être béatifiés, puis canonisés.
- Leur rayonnement spirituel et social s’étend non seulement aux sanctuaires d’Alençon et de Lisieux, mais aussi dans l’Église et le monde.
- Les époux Martin ont mené une vie exemplaire de service et de prière envers leurs enfants et les pauvres. Ils ont construit ensemble une vie de foi et d’amour au gré des joies et des peines, des réussites et des épreuves.
- Louis et Zélie Martin montrent une sainteté accessible au quotidien qui met en valeur la grandeur du sacrement de mariage et l’importance des laïcs.
Synthèse :
Louis Martin naît le 22 août 1823 à Bordeaux. Il apprend le métier d'horloger. Il désire entrer au monastère du Grand-Saint-Bernard, mais sa candidature est refusée car il ignore le latin. Après trois années à Paris, il ouvre une horlogerie-bijouterie, rue du Pont Neuf à Alençon. Il reçoit chez lui ses parents âgés et un neveu orphelin. Sa foi est vive : messes le dimanche et en semaine, adoration du Saint-Sacrement, pèlerinages, engagements sociaux. De tempérament calme et méditatif, il est toujours célibataire à 35 ans, au grand regret de sa mère. Mais la rencontre de Zélie sur le pont de Sarthe à Alençon changera son existence. Ils se marient le 12 juillet 1858 à l'église Notre-Dame d’Alençon.
Azélie-Marie Guérin, qu’on appellera Zélie, naît le 23 décembre 1831 à Gandelain, village de l’Orne. Elle a une sœur aînée, Marie-Louise ; son frère Isidore naîtra dix ans plus tard. Ses parents s’installent à Alençon. Zélie n’est pas heureuse ; elle vit une relation difficile avec sa mère. Son éducation austère la pousse au scrupule, comme c’était souvent le cas à son époque. Elle aspire assez tôt à la sainteté, songeant même à devenir religieuse à l’Hôtel-Dieu d’Alençon, mais la supérieure l’en dissuade. Déçue, elle devient dentellière et excelle dans le point d’Alençon, ouvrant une boutique à 22 ans avec sa sœur, qui la quittera pour entrer au couvent des Visitandines du Mans sous le nom de sœur Marie-Dosithée. C’est à l’âge de 27 ans qu’elle se marie avec Louis.
Chez les Martin, la vie est réglée autour de cet absolu qu’est Dieu. On fait confiance en sa Providence et on pratique l’abandon à sa volonté dans les menus détails. Tout dans la famille est occasion de prière, en lien avec le cycle liturgique de l’Église. La Sainte Famille de Nazareth leur sert de modèle. Le père, la mère et les enfants veulent s’aimer de l’amour même de Dieu.
Malgré les multiples grossesses et une maladie du sein qui progresse depuis 1863, Zélie demeure très énergique ; elle emploie jusqu’à une vingtaine d’ouvrières pour son entreprise. Louis vend son horlogerie et aide sa femme à administrer son commerce. Thérèse naît le 2 janvier 1873, avant d’être rapidement mise en nourrice, car sa santé chancelle. Elle perd sa mère le 28 août 1877 d’un cancer du sein. Après dix-neuf ans de mariage, Louis s’installe à Lisieux avec ses filles.
Si Thérèse a tant parlé de la miséricorde du Père, c’est qu’elle a eu un modèle dans sa vie. À 55 ans, Louis Martin est presque un grand-père pour elle. Elle écrit dans son Histoire d’une âme qu’elle n’avait « qu’à le regarder pour savoir comment prient les saints » (Ms A 18r). Compensant l’absence de la mère, il est chef à sa façon d’une famille monoparentale. Bien que contemplatif dans l’âme, il entretient toute une vie relationnelle à Alençon, surtout à la conférence Saint-Vincent-de-Paul et aux cercles catholiques ouvriers.
On retrouve chez les Martin ces deux pôles : solitude et solidarité. Solitude, par leur vocation propre à suivre le Christ et leur réponse singulière à cet appel ; solidarité, qui se traduit par l’entraide et le soutien mutuel sans qu’il y ait la moindre trace de jalousie. Solitude, à cause de la mort de Zélie ; solidarité, puisque Louis ne fera pas obstacle au désir de ses filles d’être religieuses. Lui-même s’offrira totalement à Dieu, accueillant l’épreuve comme une grâce.
En mai 1888, une artériosclérose cérébrale le plonge dans des crises de délire. Sa santé se détériore. Il vit la grande humiliation de perdre la tête. Il est enfermé à l’asile, « chez les fous », selon l’expression de l’époque, mais il accepte tout pour la plus grande gloire de Dieu. Il passe ainsi trois ans à l’hôpital psychiatrique, ce qui ne l’empêche pas de vivre sa foi et de vouloir aimer jusqu’au bout, à la suite du Christ. On le laisse sortir en 1892, mais il ne peut plus marcher ni parler. Il s’éteint sereinement le 29 juillet 1894.
En canonisant Louis et Zélie Martin, l’Église les propose comme modèles de laïcs engagés dans leur foi qui ont vécu l’Évangile du Christ en couple au jour le jour. Dans l’homélie de leur canonisation, le 18 octobre 2015, le pape François montre que le mariage et la vie de famille forment un chemin de sainteté aussi efficace que celui de la vie religieuse : « Les saints époux Louis Martin et Marie-Azélie Guérin ont vécu le service chrétien dans la famille, construisant jour après jour une atmosphère pleine de foi et d’amour. » Leur fête liturgique au calendrier des saints est fixée le 12 juillet, date anniversaire de leur mariage.
Jacques Gauthier, théologien et auteur, a écrit une douzaine de livres sur sainte Thérèse de Lisieux. Cet article sur Louis et Zélie Martin est tiré en partie de son blogue.
Au-delà des raisons d'y croire :
Louis et Zélie Martin ont pris au sérieux la vocation universelle à la sainteté, en mettant Dieu à la première place dans leur foyer, le servant dans la prière fervente et l’amour des plus pauvres. Ils n’ont pas recherché les honneurs ni les premiers rangs : loin de toute grandeur, de pouvoir et de « carriérisme », comme dirait le pape François, ils ont voulu aimer jusqu’au bout. Jésus invite à n’être pas au-dessus de tous, mais au service de tous, en sortant de nos égoïsmes qui nous enferment dans l’indifférence. C’est ce qu’ont fait les parents Martin avec leurs enfants.
Aller plus loin :
Thierry Hénault-Morel, Louis et Zélie Martin, Cerf, 2016.