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TOUTES LES RAISONS DE CROIRE
Conversions d'athées
n°60

Paris

8 juillet 1935

Le jour où André Frossard rencontre le Christ à Paris

André Frossard (1915-1995), fils du secrétaire général du parti communiste français, a été élevé dans un athéisme fort, « celui où la question de l'existence de Dieu ne se pose même plus ». À 20 ans, le 8 juillet 1935, il entre dans la chapelle des Filles de l'Adoration à Paris. Devant le Saint-Sacrement, il fait l’expérience d’une rencontre avec le Christ qui provoque en quelques instants une conversion profonde au catholicisme. Il la raconte dans son livre-témoignage Dieu existe, je L’ai rencontré qui devient un best-seller et marque son époque.

© Unsplash/Daniele Colucci
© Unsplash/Daniele Colucci

Les raisons d'y croire :

  • Le parcours scolaire, intellectuel et professionnel du jeune André Frossard ne l’avait jamais préparé à une quelconque quête spirituelle.
  • La conversion de Frossard n’est pas progressive, mais radicale, définitive et totale. Il est impossible qu’un athée se convertisse ainsi, dans tous les aspects de sa vie – religieux, psychologique, culturel et social – en l’espace de quelques minutes, sans intervention divine.
  • Cette conversion n’est ni illusion ni hallucination. Tout comme celle de saint Paul et de tous les grands convertis, la conversion d’André Frossard est occasionnée par la rencontre avec la lumière de Dieu qui aboutit à l’enseignement fulgurant et la mémorisation inexplicable de toute la doctrine chrétienne et suscite un regard nouveau porté sur le monde et sur soi-même.
  • Les fruits de sa conversion sont nombreux, durables et inexplicables : sa mère et sa sœur se convertissent à leur tour ; lui-même restera un croyant exemplaire jusqu’à sa mort ; ses engagements en faveur des droits de l’homme, de la liberté religieuse, de la défense des plus fragiles témoignent aussi d’une morale inspirée de l’Évangile.
  • De multiples personnes, à commencer par saint Jean-Paul II, ont témoigné de la vérité et la profondeur de sa conversion.
  • En racontant s’être converti, Frossard n’avait rien à gagner, mais tout à perdre.

Synthèse :

« Si Dieu existe, je dois le dire, si le Christ est le fils de Dieu, je dois le crier, s’il y a la vie éternelle, je dois la prêcher » : ces mots d’André Frossard (1915-1995) n’auraient jamais pu être prononcés par leur auteur avant 17h10, en ce 8 juillet 1935, instant où il pénètre dans la chapelle des Filles de la Charité à Paris.

En effet, le jeune journaliste, tout juste diplômé des Arts décoratifs, est aux antipodes de toute croyance religieuse. Éduqué dans l’athéisme, le jeune homme n’a jusque là ni rencontré véritablement de chrétiens ni appris quoi que ce soit de la foi catholique. Sa grand-mère paternelle, Stéphanie Schwob, est d’ascendance juive (son village alsacien, dit-elle, est le seul de l’Hexagone à n’avoir pas d’église mais seulement une synagogue) ; sa mère, Rose Pétrequin, est luthérienne et son père, Louis-Oscar Frossard (1889-1946), lui-même fils d’un artisan anticlérical, est un homme politique on ne peut plus éloigné du catholicisme : instituteur, « hussard noir de la République », franc-maçon, il est révoqué de l’enseignement pour menées révolutionnaires. Il devient secrétaire général de la SFIO, secrétaire général de la section française de l’Internationale communiste, député puis ministre sous sept gouvernements successifs…

À la maison, le petit André reçoit une éducation diversifiée, intellectuellement satisfaisante mais conforme aux idéaux paternels : totalement exempte d’éducation religieuse. À l’école comme au domicile parental, le garçon n’entend parler de religion que sous l’aspect d’une puissance réactionnaire. En un mot, avant le 8 juillet 1935, rien en lui et autour de lui ne laisse présager d’une quelconque évolution en matière spirituelle.

Le récit de sa conversion est parfaitement connu, car Frossard a largement témoigné, par ses livres et ses conférences, du surgissement improbable d’une nouvelle réalité dont il ne soupçonnait même pas l’existence. Il est 17h10 ce 8 juillet 1935, lorsqu’il pousse la porte de la chapelle des religieuses de l’Adoration, rue d’Ulm à Paris, après s’être « trompé de trottoir », comme il le souligne lui-même... Il a rendez-vous avec un camarade avec qui il doit dîner le soir même. « Poussant le portail de fer du couvent, j’étais sceptique et athée, mais plus encore indifférent et préoccupé par bien d’autres choses que par un Dieu que je ne cherchais même plus à nier… » Lorsqu’il ressort du bâtiment dix minutes plus tard, il est définitivement catholique. Que s’est-il passé ?

La chapelle dans laquelle il vient de pénétrer est pour lui un lieu totalement étranger : « L’assistance à contre-jour ne proposait que des ombres, parmi lesquelles je ne pouvais distinguer mon ami. Mon regard passait de l’ombre à la lumière, des fidèles aux religieuses… » Parvenu non loin de l’autel, son regard s’arrête sur la deuxième bougie qui brûlait à gauche de la Croix. Là, il s’étonne de la présence « d’une espèce de soleil rayonnant au fond de l’édifice : je ne savais pas qu’il s’agissait du Saint-Sacrement », note-t-il en révélant son ignorance d’alors. Subitement, cette clarté naturelle émanant de l’hostie dans l’ostensoir se métamorphose en une « lumière » infiniment plus belle, plus douce, plus pénétrante que celle du soleil : « une lumière spirituelle », « un autre monde d’une splendeur et d’une richesse qui renvoient le nôtre parmi les ombres fragiles des rêves… »

L’invisible devient évidence. « Tout est dominé par la présence de Celui dont je ne pourrai plus jamais écrire le nom sans avoir la crainte de blesser sa tendresse », écrit-il trente-quatre ans après, tandis que son témoignage est identique, à la lettre près, à ce qu’il fut en 1935. Sa rencontre est plus réelle que le réel : « Dieu existe et il était présent, révélé, caché par cette lumière qui, sans discours ni images, faisait comprendre l’Amour. » Ce qu’il vit ainsi fait écho aux descriptions les plus élevées de l’union à Dieu chez les mystiques : « Voilà que tout à coup se déchaînent une série de prodiges d’une violence inépuisable qui vont démolir en un instant l’être absurde que je suis, pour faire naître le garçon stupéfié que je n’ai jamais été. » Comme saint Paul, désarçonné par la vision du Seigneur sur le chemin de Damas, André Frossard vient de passer de ce monde à celui du Christ.

S’il n’entend pas la voix de Jésus comme Paul, André Frossard perçoit la même lumière qui vient de l’au-delà de tout. Et comme l’apôtre des Gentils en témoigne, cette clarté sublime n’est pas un phénomène physique, mais la manifestation de la présence de Dieu.

En effet, l’expérience vécue par le jeune journaliste, loin d’être seulement de type visuel, est avant tout charismatique : il voit et comprend en même temps. La lumière, comme il le dit, est « enseignante » ; c’est« l’incandescence de la vérité ». En une fraction de seconde, il apprend désormais que cette vérité n’est pas une idée abstraite mais une personne, celle de Jésus : « J’ai rencontré Dieu comme on rencontre un platane ! » Lorsqu’on l’interroge sur sa foi, le « Cavalier seul » (son surnom au Figaro) répond : « Je n’ai pas foi en Dieu : je l’ai rencontré. »

Au sujet de la tradition chrétienne bimillénaire, découverte et mémorisée de manière inexplicable en un éclair, il laisse un témoignage étonnant. Après avoir demandé le baptême, il rencontre un homme d’Église chargé d’instruire le catéchumène qu’il est : « Ce que le prêtre m’a dit sur le catholicisme, je l’attendais et l’accueillis avec joie : l’enseignement de l’Église catholique est vrai jusqu’à la dernière virgule. »

Cette conversion, comme toute vraie conversion (saint Paul, Camille Claudel, saint Charles de Foucauld ou Alphonse de Ratisbonne – Frossard rapprocha son expérience de celle de ce dernier) est un retournement de l’être en direction de Dieu, et, en même temps, un éloignement des valeurs matérielles : « Elle[sa conversion]a définitivement inversé l’ordre naturel des choses. Depuis que je l’ai entrevue, je pourrais presque dire que, pour moi, Dieu seul existe, et le reste n’est qu’hypothèse. » Quelques jours après sa conversion de la rue d’Ulm, l’ancien athée éprouve une certaine appréhension à s’appuyer contre un mur, tant ce monde lui paraît inconsistant en comparaison de l’ordre surnaturel, « seule réalité solide ».

Les fruits de sa conversion sont nombreux, durables et inexplicables : sa mère et sa sœur se convertissent à leur tour ; lui-même restera un croyant exemplaire jusqu’à sa mort ; ses engagements en faveur des droits de l’homme, de la liberté religieuse, de la défense des plus fragiles témoignent d’une morale inspirée de l’Évangile.

Journaliste célébré, élu à l’Académie française en 1987, André Frossard a connu et partagé bien des combats contemporains comme son ami, saint Jean-Paul II. Résistant, arrêté par la Gestapo et enfermé huit mois dans la « baraque aux Juifs » de la prison lyonnaise de Montluc, il échappe de justesse à la mort. Durant la guerre d’Algérie, il dénonce des actes de torture commis par des officiers, n’hésitant pas à quitter le journal qui l’emploie qui, selon lui, défend l’OAS. Il dépose lors du procès de Klaus Barbie et lutte de toutes ses forces contre l’antisémitisme, sachant, depuis le 8 juillet 1935, que le peuple d’Israël est l’aîné de l’Église à laquelle il appartient pour l’éternité.

Lorsqu’il sort de la chapelle vers 17h15, son ami l’interroge : « Mais qu’est-ce qui t’arrive ? — Je suis catholique. »

Patrick Sbalchiero


Au-delà des raisons d'y croire :

La vie et l’œuvre d’André Frossard, cohérentes et fécondes, ne peuvent être comprises qu’à la lumière de sa conversion à l’âge de 20 ans.


Aller plus loin :

Le livre-témoignage d’André Frossard, Dieu existe, je L’ai rencontré, Paris, Fayard, 1969, réédition 1976.


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