Saint Pascal Baylon, humble berger
Pascal Baylon est un berger espagnol très pieux, mais n’a jamais reçu aucune forme d’instruction, à part les rudiments du catéchisme. Il entre au couvent franciscain près duquel il a toujours vécu, en Aragon. À échelle humaine, la vie de Pascal est quelconque, banale et sans relief, mais l’extraordinaire va s’y déployer. C’est l’un des saints les plus admirables de son époque et l’on ne compte plus ses miracles.
Apparition de l'Eucharistie à saint Pascal Baylon, 1811, huile sur toile, musée des Beaux-Arts de Valence.© CC0/wikimedia
Les raisons d'y croire :
- Sans connaissances théologiques ni bibliques théoriques, il vit une vie parfaitement conforme à l’Évangile et en sait plus que beaucoup sur les choses relatives à la foi. Ce savoir inné est étonnant.
- Les grandes difficultés de Pascal à être admis au couvent à cause de son manque d’instruction est la preuve évidente que ses dispositions naturelles ne lui permettent aucune supercherie ni mensonge.
- Les témoignages des contemporains de Pascal concordent dans la description des prodiges qui se sont produits autour de lui. Ces récits ont été rigoureusement étudiés et authentifiés lors des procès de béatification puis de canonisation.
- L’Église espagnole du XVIe siècle porte habituellement un regard de méfiance envers les phénomènes mystiques : Pascal n’a pourtant jamais été inquiété, tant sa vie était d’une pureté évangélique rare. De même, les franciscains de son couvent ne l’ont jamais corrigé ou critiqué pour avoir accompli des miracles, lévité, guéri des visiteurs, etc.
- Depuis le XVIIe siècle, tous les papes ont aimé la figure de saint Pascal Baylon et ont souvent écrit à son sujet.
Synthèse :
Pascal Baylon est né en 1540, dans une famille pauvre de laboureurs, à Torrehermosa, en Aragon. Ses parents et grands-parents n’ont jamais été scolarisés. La fratrie est croyante, mais ne connaît que les prières apprises au catéchisme. À la maison, il n’y a pas de livres, et les faits d’actualité de l’époque sont quasiment inconnus, à l’exception des échanges sociaux limités à un périmètre de 50 kilomètres, soit une journée de cheval.
Pascal est d’abord berger. Cette activité pastorale n’a rien d’exceptionnel. Illettré mais aimant la nature, il trouve dans ce travail un emploi à sa mesure.
Tous les témoignages s’accordent à dire qu’il est un chrétien exemplaire dès son plus jeune âge. Ses parents, voisins et amis le voient prier des heures, contempler le ciel, s’émerveiller des animaux et des plantes, demander à la Vierge Marie d’aider les siens. On le trouve étonnamment mûr pour son âge et très savant sur les choses de la foi pour quelqu’un n’ayant fait aucune étude. On l’entend parler du Saint-Sacrement avec conviction et une précision théologique inconcevable. Pascal se met à éveiller petit à petit la curiosité des alentours. Certains colportent des attitudes inhabituelles : lorsqu’il entend les cloches de l’église, il s’agenouille, lève les yeux au ciel et son visage prend un aspect inconnu, d’une beauté sidérante…
En 1560, il demande à rejoindre les franciscains du couvent voisin à Torrehermosa. Reçu par le supérieur, il fait bonne impression, mais on décide de ne pas l’admettre au motif qu’il est illettré, raison qui n’est pas arbitraire à l’époque, car les novices doivent pouvoir recevoir une formation intellectuelle et religieuse dense. C’est un choc. Pascal s’en retourne, triste et penaud. Quelques jours durant, il s’interroge sur la volonté de Dieu à son égard, puis reprend sereinement son métier de berger.
Il décide de faire paître ses bêtes le plus près possible du couvent franciscain, afin de bien entendre la cloche et de suivre ainsi de l’extérieur les offices successifs. Pascal n’a d’autre ambition que de mettre humblement ses pas dans ceux de saint François d’Assise qu’il ne connaît alors que par les propos qui lui ont été tenus par les franciscains et le curé du village.
Il est finalement admis en 1564 comme frère convers, pour accomplir des tâches matérielles dans le couvent. Il devient tour à tour portier, quêteur d’aumônes et chargé du réfectoire. Il s’intègre facilement dans la communauté, en épousant le rythme de la vie franciscaine, la liturgie, en fréquentant les sacrements avec ferveur et en pratiquant la charité à un haut degré. C’est cette vie ecclésiale simple qui amène ses supérieurs à dire que Pascal a été touché par la grâce.
En ce qui le concerne, l’extraordinaire se déploie dans l’ordinaire. En tant que portier, il est sollicité par beaucoup de personnes venant lui demander des conseils et des prières, à lui, l’illettré. Bientôt, ces demandes changent : on l’implore afin qu’il intercède auprès de Dieu pour la guérison d’untel, etc.
Cette situation aurait pu susciter de la méfiance, des incompréhensions et interrogations au sein du couvent et dans la société alentour : la paix du couvent résistera-t-elle à l’afflux de fidèles ? D’où viennent ces connaissances et ces pouvoirs ? La vie spirituelle de Pascal est exemplaire, d’une intensité et d’une régularité rares. Ses supérieurs ne le réprimandent donc pas ni ne l’excluent, et ils le laissent poursuivre son accueil des visiteurs frappant à la porte du couvent.
Les dossiers de béatification et de canonisation décrivent une foule de prodiges qui ont tous été authentifiés par les autorités ecclésiastiques après une enquête longue et minutieuse : phénomènes lumineux autour du visage et du corps, prophéties comme celle du jour et de l’heure de sa propre mort, visions, lévitations… Tous ces miracles sont le fruit de sa vie mystique. Le contenu des visions qu’il rapporte est exempt de toute erreur théologique et fait écho à la foi de l’Église.
Les temps d’adoration devant le tabernacle s’allongent au fil du temps. On le laisse se recueillir autant qu’il le souhaite, car il ne dérange jamais la communauté par des pratiques personnelles : Pascal est un modèle d’obéissance et, lorsque son supérieur parle, c’est Jésus qui s’exprime : « Je ferai comme l’obéissance dira. ». C’est la spiritualité monastique appliquée aux affaires quotidiennes.
La charité de Pascal est légendaire, au-delà des capacités humaines. Chaque personne qui le visite est pour lui comme Jésus : « S’il se présente douze pauvres et que je donne à dix, il est à craindre que l’un de ceux que je renvoie ne soit précisément Jésus-Christ », aime-t-il à dire.
Cette charité s’exerce aussi dans les situations les plus dangereuses. En 1576, il est envoyé en France pour porter des documents au général de son ordre. C’est le temps des guerres de religion et les affrontements entre catholiques et protestants sont légion. Parvenu à Orléans, il est pris involontairement dans une rixe. Il essaie alors de réconcilier ingénument les partis qui s’affrontent et s’aventure à parler de la présence réelle aux soldats réformés. Il manque d’être lapidé. Tous les témoins l’entendent dire, alors qu’il est menacé de mort, qu’il pardonne à tous ses assaillants.
Mort en 1592, Pascal est inhumé dans la chapelle royale de Vila-real. À peine vingt-six ans plus tard, le pape Paul V le proclame bienheureux, puis il est canonisé en 1960. Désormais, les honneurs vont pleuvoir.
En 1767, Charles III d’Espagne fait bâtir une église qui lui est dédiée ; elle est décorée de sept retables représentant les sept pratiques essentielles des Franciscains qui sont portées à leur perfection pendant la vie de saint Pascal Baylon : amour de l’eucharistie, attachement à la pauvreté, etc.
Le 28 novembre 1897, le bref apostolique Providentissimus Deus de Léon XIII proclame saint Pascal Baylon « séraphin de l’Eucharistie », patron des œuvres eucharistiques et du congrès eucharistique international, lui, l’humble berger.
Aller plus loin :
P. Ramala, San Pascual Baylón, hermano y amigo de todos, Barcelone, éd. Provincia Franciscana de Cataluna, 1980.